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Artículos sobre ópera

Arte veraniego

Arte veraniego

El verano, estación de elevadas temperaturas, supone una época de evasión, de descanso físico que nos brinda la oportunidad de adentrarnos en obras artísticas para cultivar nuestra maltratada sensibilidad y buscar la verdadera belleza.

El refinamiento formal y profundo humanismo de King Vidor, el soberbio ritmo e intensidad que nos regalan las mejores obras de Walsh, el lento, parsimonioso, poderoso, placer provocado por los filmes de Ford, las románticas, riquísimas y refinadas obras de Massenet, los mágicos ambientes creados por Gounod (es necesario recordar Ah, lève toi soleil sumergido en la luminosa oscuridad de las noches estrelladas), el exotismo de Bizet en Carmen o Los pescadores de Perlas (¡que suave sensación de armonia acude a mi mente al recordar sus limpios, sugestivamente cálidos  acordes mediterraneos!), el disfrute suministrado por la lectura de Camus, Wilde o Stevenson...

Descanso y enriquecimiento espiritual que espero que ustedes disfuten convenientemente sin demasiados perjuicios para sus bolsillos.

  

Libreto de Thaïs

Libreto de Thaïs
 


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Thaïs
Comédie lyrique in 3 atti e 7 quadri

Libretto di Louis Gallet
dal romanzo omonimo di Anatole France
Musica di Jules Massenet


Acte I


Premier Tableau
La Thébaïde
Les cabanes des Cénobites au bord du Nil

(Ce n’est pas encore la fin du jour.
Douze Cénobites et le vieux Palémon sont assis
autour d’une longue table rustique.
Au milieu, Palémon préside le frugal et paisible repas.
Une place est vide, celle d’Athanël.)


UN CÉNOBITE
Voici le pain,...

UN AUTRE
... et le sel,...

UN AUTRE
... et l’hysope!

UN AUTRE
Voici le miel,...

UN AUTRE
... et voici l’eau!

PALÉMON
(se levant, avec onction)
Chaque matin le ciel répand sa grâce sur mon jardin,
ainsi qu’une rosée. Bénissons
Dieu dans les biens qu’il nous donne
et prions-le qu’il nous garde en sa paix!

LES 12 CÉNOBITES
(6 ténors et 6 basses entr’eux; presque murmuré)
Que les noirs démons de l’abîme s’écartent de notre chemin!

UN CÉNOBITE
(rompant le silence)
Sur Athanaël, notre frère, étends, Seigneur, la force de ton bras!

PLUSIEURS
(avec respect)
Athanaël! Athanaël! Bien longue est son absence!
Quand donc reviendra-t-il?

D’AUTRES
Quand donc?

PALÉMON
(mystérieux)
L’heure de son retour est proche,
Un songe, cette nuit, me l’a montré vraiment,
hâtant vers nous sa marche...

LES 12 CÉNOBITES
(avec foi)
Athanaël est un élu de Dieu! Il se révèle dans les songes!
(Athanaël paraît; il s’avance lentement
comme épuisé de fatigue et de chagrin.)
(avec respect)
Le voici! Le voici!

ATHANAËL
(au milieu d’eux; douloureux)
La paix soit avec vous!

PALÉMON et LES 12 CÉNOBITES
Frère, salut!
(Tous s’empressent autour de lui)
La fatigue t’accable... la poussière couvre ton front...
reprends ta place parmi nous... mange... bois!
(Athanaël s’est assis avec accablement
et repousse doucement les mets qu’on lui présente)
Non... Mon coeur est plein d’amertume...
je reviens dans le deuil et dans l’affliction!
(sombre, commehanté et se parlant à lui-même)
La ville est livrée au péché! Une femme...
Thaïs... la remplit de scandale!
Et par elle l’enfer y gouverne les hommes!

LES 12 CÉNOBITES
(avec une curiosité calme et simple)
Quelle est cette Thaïs?

ATHANAËL
(sortant un peu de sa torpeur)
Une prêtresse infâme (y retombant
de suite) de culte de Vénus!
(Athanaël se lève lentement avant
les premiers mots qu’il va dire.
Humblement, avec charme
et comme se souvenant d’un passé lointain)
Hélas! enfant encore, avant qu’à mon coeur la grâce ait parlé,
(peu à peu sombre, plus agité)
je l’ai connue... je l’ai connue!
Un jour, je l’avoue à ma honte devant son seuil maudit
je me suis arrêté, Mais Dieu m’a préservé de cette courtisane,
et j’ai trouvé le calme en ce désert...
maudissant le péché que j’aurais pu commettre!
Ah! mon âme est troublée!
La honte de Thaïs et le mal qu’elle fait me causent une peine amère,
(très expressif)
et je voudrais gagner cette âme à Dieu!
Oui, je voudrais gagner cette âme à Dieu! à Dieu! à Dieu!

PALÉMON
Ne nous mêlons jamais, mon fils, aux gens du siècle;
craignons les pièges de l’Esprit.
Voilà ce que nous dit la sagesse éternelle.
(La nuit vient peu à peu.)
La nuit vient, prions et dormons.

LES 4 CÉNOBITES
(dévotement)
Prions.
(Tous, avec une crainte mystérieuse,
le front courbé et les mains jointes)
Que les noirs démons de l’abîme s’écartent de notre chemin.
(dans la même posture, ils s’éloignent lentement
et se séparent, tout en priant,
pour se rendre chacun dans leur cabane.)
Seigneur, bénis le pain et l’eau, bénis les fruits de nos jardins.
Donne-nous le sommeil sans rêves et l’inaltérable repos!


(Ils ont disparu.
Athanaël s’est étendu sur une natte devant sa cabane,
la tête appuyée sur un petit chevalet de bois, les mains jointes.)

ATHANAËL
(seul, dans l’ombre)
Ô Seigneur, je remets mon âme
(en s’endormant)
entre tes mains...


(Nuit presque noire.
Le terre semble endormie dans une douce béatitude.)

VISION


(Dans un brouillard apparaît l’intérieur du théâtre à Alexandrie.
Foule immense sur les gradins.
En avant se trouve la scène sur laquelle Thaïs
à demi-vêtue, mais le visage voilé
mime les amours d’Aphrodite)

Thaïs, mimant devant la foule du théâtre d’Alexandrie,
n’est par conséquent vue que de dos par le publique de la salle.


(Dans le théâtre d’Alexandrie:
Immenses exclamations d’enthousiasme très prolongées -
effet extrêmement lointain.
On peut distinguer, mais vaguement, cependant,
le nom de Thaïs hurlé par la foule.
Les acclamations cessent...
Les acclamations reprennent et augmentent jusqu’à la fin.
La mimique s’accentue de plus en plus. La vision disparaît subitement.
Le jour revient peu à peu.)

ATHANAËL
(qui s’est éveillé, se lève complètement;
avec épouvante et colère)
Honte! Horreur! Ténèbres éternelles!
Seigneur! Seigneur! assiste-moi!
(Athanaël s’est jeté à terre et y reste prosterné.)
(prosterne)
Toi qui mis la pitié dans nos âmes, Dieu bon, louange à toi!
J’ai compris l’enseignement de l’ombre.
(Il se relève avec enthousiasme)
Je me lève et je pars!
Car je veux délivrer cette femme des liens de la chair!
(de plus en plus exalté)
Dans l’azur je vois penchés vers elle, les anges désolés!
N’est-elle pas le souffle de ta bouche, Seigneur! Ô Seigneur!
Ah! plus elle est coupable et plus je dois la plaindre!
Mais je la sauverai! Seigneur! donne-la moi, donne-la moi!
Et je te la rendrai pour la vie éternelle!
(appelant ses frères qui reparaissent peu à peu
et viennent se ranger autour de lui)
Frères! frères! levez-vous tous! levez-vous tous! venez! venez!
Ma mission m’es révélée! Dans la ville maudite, il faut que je retourne...
Dieu défend que Thaïs s’enfonce davantage dans le gouffre du mal
et c’est moi qu’il choisit pour la lui ramener!


(Athanaël s’incline devant Palémon qui, tristement,
lui rappelant les sages principes, le laisse s’éloigner.)

PALÉMON
(à Athanaël, avec une douce expression de tranquillité
et comme un tendre reproche)
Mon fils, ne nous mêlons jamais aux gens du siècle.
Voilà la sagesse éternelle!


(Les Cénobites qui on entouré Athanaël
l’accompagnent jusqu’à la route;
puis, s’agenouillant par groupes,
ils répondent à Athanaël dont la voix se perd
dans les solitudes du désert de la Thébaïde.)

LA VOIX D’ATHANAËL
(déjà éloignée)
Chanter à pleine voix et se placer
de plus en plus loin; très loin à la fin.
Esprit de lumière et de grâce, arme mon coeur pour le combat!

LES 12 CÉNOBITES
Arme son coeur pour le combat! et fais-le fort comme l’archange!
Arme son coeur! arme son coeur! contre les charmes de démon!

ATHANAËL
Et fais-moi fort comme l’archange
(plus loin encore)
contre le charmes du démon! Arme mon coeur!
(très loin)
pour le combat!

Deuxième Tableau

Alexandrie

La terrasse de la maison de Nicias à Alexandrie

(Cette terrasse domine la ville et la mer;
elle est ombragée de grands arbres.
A droite, vaste tenture derrière laquelle se trouve
la salle préparée pour le banquet.
Lentement Athanaël a paru;
il s’est arrêté au fond; à sa vue un serviteur
se lève sous le portique et marche à sa rencontre.)

LE SERVITEUR
(brusquement)
Va, mendiant, chercher ailleurs ta vie!
Mon maître ne reçoit pas les chiens comme toi!

ATHANAËL
(doucement)
Mon fils, fais, s’il le plaît, ce que je te commande,
Je suis l’ami de ton maître et je veux lui parler à l’instant.

LE SERVITEUR
(levant son bâton)
Hors d’ici, mendiant!

ATHANAËL
(fermement et avec calme)
Frappe, si tu le veux,
Mais avertis ton maître,
Va.
(Devant le regard et l’attitude d’Athanaël,
le serviteur recule, s’incline et disparaît dans la maison. Athanaël,
seul après avoir contemplé un instant la ville du haut de la terrasse.)
Voilà donc la terrible cité!
Alexandrie! Alexandrie!
Où je suis né dans le péché;
l’air brillant où j’ai respiré
l’affreux parfum de la luxure!
Voilà la mer voluptueuse où j’écoutais chanter
la sirène aux yeux d’or!
Oui, voilà mon berceau selon la chair,
(très expressive)
Alexandrie! O ma patrie! Mon berceau, ma patrie!
De ton amour, j’ai détourné mon coeur.
Pour ta richesse, je te hais! Pour ta science et ta beauté, je te hais!
Je te hais!
Et maintenant je te maudis comme un temple hanté par les esprits impurs!
Venez! Anges du ciel! Souffles de Dieu! Venez! Venez!
Anges du ciel! Souffles de Dieu!
Parfumez, du battement de vos ailes, l’air corrompu qui va m’environner!
Venez! Anges du ciel! Souffles de Dieu! Venez! Souffles de Dieu!
Anges du ciel! Venez!

CROBYLE et MYRTALE
(Les voix de Crobyle et de Myrtale, dans la maison)
Ah!
(Nicias paraît et s’avance,
les bras appuyés sur les épaules de Crobyle et de Myrtale,
deux belles esclaves rieuses.)
(en riant aux éclats)
Ah!

NICIAS
(aperçoit Athanaël; il s’arrête et quitte Crobyle et Myrtale;
puis, n’hésitant plus à le reconnaître, il court lui,
les bras ouverts; avec vivacité)
Athanaël! c’est toi! mon condisciple, mon ami, mon frère!
(avec légèreté et bonne humeur)
Oh! je te reconnais, bien qu’à la vérité tu sois
bien plus semblable à la bête qu’à l’homme! Embrasse-moi...
et sois le bien venu. Tu quittes le désert? Tu nous reviens?

ATHANAËL
O Nicias! Je ne reviens que pour un jour, que pour une heure!

NICIAS
Dis-moi tes voeux!

ATHANAËL
(calme)
Nicias, tu connais cette comédienne, Thaïs, la courtisane?

NICIAS
(riant)
Certes, je la connais! Pour mieux dire, elle est mienne,
(léger et vif)
encore pour un jour! J’ai vendu pour elle mes vignes
et ma dernière terre et mon dernier moulin,
et composé trois livres d’élégies;
et cela ne compte pour rien!
Je voudrais la fixer, que je perdrais ma peine;
son amour est léger et fuyant comme un rêve!
Qu’attends-tu d’elle?

ATHANAËL
(convaincu)
Je veux la ramener à Dieu!

NICIAS
(éclatant de rire)
Ah! Ah! Ah! Ah! Mon pauvre ami!
Crains d’offenser Vénus dont elle est la prêtresse.

ATHANAËL
(avec assurance)
Je veux la ramener à Dieu!
J’arracherai Thaïs à ces amours immondes
et je la donnerai pour épouse à Jésus.
Pour entrer dans un monastère,
Thaïs va me suivre aujourd’hui!

NICIAS
(bas à l’oreille d’Athanaël et en riant)
Crains d’offenser Vénus, la puissante Déesse! Elle se vengera!

ATHANAËL
Dieu me protègera.
(avec tranquillité)
Où puis-je voir cette femme?

NICIAS
(souriant)
Ici même! Pour la dernière fois,
elle y doit souper avec moi en très joyeuse compagnie!
Elle joue aujourd’hui; en sortant du théâtre, elle viendra.

ATHANAËL
Prête-moi donc, ami, quelque robe d’Asie,
afin que dignement je puisse figurer à ce festin
que tu vas lui donner.

NICIAS
Crobyle et Myrtale, mes chères,
Hâtez-vous de parer mon bon Athanaël.

(Myrtale frappe dans ses mains.
Le serviteur paraît auquel elle donne un ordre.
Il sort et revient aussitôt avec des esclaves portant
un coffret dont Crobyle et Myrtale tirent les objets
qui doivent servir à la toilette d’Athanaël
ainsi qu’un miroir de métal dans lequel, en riant,
elles lui font voir son visage.)

CROBYLE
(riant)
Ah!

MYRTALE
(riant)
Ah!

(Nicias et Athanaël se sont assis, ils causent amicalement.)

NICIAS
(à Athanaël)
Je vais donc te revoir brillant comme autrefois!

CROBYLE
(riant)
Ah! Ah!

MYRTALE
(riant)
Ah! Ah!

ATHANAËL
(à Nicias)
Oui, j’emprunte à l’enfer des armes contre lui.

(Tandis qu’Athanaël continue à causer avec Nicias,
Crobyle et Myrtale commencent à lui verser sur la tête des parfums,
à lui accommoder les cheveux et la barbe.)

NICIAS
(en riant)
Philosophe orgueilleux! L’âme humaine est fragile.

CROBYLE
(riant)
Ah! Ah!

MYRTALE
(riant)
Ah! Ah!

ATHANAËL
Je ne crains pas l’orgueil quand le ciel me conduit.

CROBYLE
(à Myrtale, à part)
Il est jeune!

MYRTALE
(à Crobyle, de même)
Il est beau!

CROBYLE
(en riant)
Ah!

MYRTALE
(de même)
Ah!
Sa barbe est un peu rude!

CROBYLE
Ses yeux sont pleins de feu!

MYRTALE
Ce bandeau lui sied bien!

CROBYLE et MYRTALE
Cher Satrape, voici tes bracelets!

MYRTALE
Tes bagues!

CROBYLE
Donne tes bras!

MYRTALE
Tes doigts!

CROBYLE et MYRTALE
(à part)
Il est jeune, il est beau!
Ses yeux sont pleins de feu! Il est jeune, il est beau!

MYRTALE
(continuant la toilette)
La robe maintenant!

CROBYLE
(avec câlinerie)
Quitte ce noir cilice!

ATHANAËL
(se lève comme pour leur échapper)
Ah! femmes, pour cela, jamais!


(Crobyle et Myrtale, d’abord effarouchées
par le brusque refus d’Athanaël,
reviennent doucement auprès de lui.)

MYRTALE
Soit!

CROBYLE
Soit!

CROBYLE et MYRTALE
(lui passant une robe brodée par dessus sa tunique)
Cache tes rigueurs sous cette robe souple!
(riant aux éclats)
Ah!

NICIAS
(à Athanaël, avec familiarité, en souriant)
Ne t’offense pas de leur raillerie,
Ne baisse pas devant elles les yeux!
Admire-les plutôt!
Ne t’offense pas de leur raillerie,
Ne baisse pas devant elles les yeux!
Admire-les plutôt!

CROBYLE
(à part, en riant)
Il est beau comme un jeune Dieu!
Et si Daphné le rencontrait...
Sa divinité farouche s’humaniserait!

ATHANAËL
(à lui-même, avec calme)
Esprit de lumière!
Arme mon coeur pour le combat!

MYRTALE
(à part, en riant)
Il est beau comme un jeune Dieu!
Et si Daphné le rencontrait... s’humaniserait!
Je le crois!

(Elles continuent la toilette.)

MYRTALE
Laisse-nous te chausser de ces sandales d’or

CROBYLE
Laisse-nous te verser ce parfum sur les joues!

NICIAS
(à Athanaël)
Ne t’offense pas de leur raillerie!
Ne baisse pas devant elles les yeux!
Admire-les plutôt! Admire-les!
Ne t’offense pas!
Sois heureux.

CROBYLE
(à part)
Il est beau comme un jeune Dieu!
Et si Daphné le rencontrait...
Sa divinité farouche s’humaniserait!
Il est beau! Comme un Dieu!
Ah! Il est beau comme un jeune Dieu!
ATHANAËL
(à lui-même)
Esprit de lumière!
Arme mon coeur pour le combat!
Arme mon coeur contre les charmes,
Les charmes du démon!
Contre les charmes du démon! du démon!

MYRTALE
(léger)
Il est beau comme un jeune Dieu!
Et si Daphné le rencontrait... s’humaniserait!
Je le crois! Il est beau!
Comme un Dieu!
Ah! Il est beau comme un jeune Dieu!


(Grandes acclamations lointaines et prolongées.
Au bruit des acclamations,
Nicias est remonté vers la terrasse;
il a regardé du côté de la ville.)

NICIAS
(revenant vers Athanaël en souriant)
Garde-toi bien! Voici ta terrible ennemie!


(Des groupes d’Histrions et de Comédiennes
mêlés à des Philosophes,
amis de Nicias, paraissent sur la terrasse,
précédant de peu d’instants la venue de Thaïs.)

LES COMÉDIENNES, LES HISTRIONS et LES PHILOSOPHES
(8 sopranos, 6 ténors, 6 basses;
Crobyle et Myrtale avec les Comédiennes;
tous avec admiration et vénération)
Thaïs! Soeur des Karites!

LES HISTRIONS
Rose d’Alexandrie!

LES PHILOSOPHES
Belle silencieuse!

LES COMÉDIENNES, LES HISTRIONS et LES PHILOSOPHES
Thaïs! Tant désirée! Thaïs! Thaïs! Thaïs!

NICIAS
(à Thaïs)
Chère Thaïs!
(invite ses amis à se rendre dans la salle du banquet
dont les esclaves soulèvent les tentures)
Hermodore! Aristobule! Callicrate! Dorion!
Mes hôtes! Mes amis!
(Tous se rendent dans la salle dont les tentures se referment.)
Les Dieux soient avec vous!


(Thaïs a été retenue doucement par Nicias
au moment où elle se disposait à suivre
ses amis dans la salle du banquet.
Nicias tombe assis; Thaïs est près de lui.
Celle-ci reste debout et répond avec un sourire amèrement ironique
au désir de Nicias qui la contemple amoureusement mais tristement.)

THAÏS
C’est Thaïs, l’idole fragile qui vient pour la dernière
fois s’asseoir à la table fleurie. Demain, je ne serai
pour toi plus rien qu’un nom.

NICIAS
Nous nous sommes aimés une longue semaine...

THAÏS
Nous nous sommes aimés une longue semaine...

NICIAS
C’est beaucoup de constance et je ne me plains pas;
et tu vas t’en aller... libre loin de mes bras...

THAÏS
Libre... loin de tes bras...
Pour ce soir, sois joyeux,
laissons s’épanouir les heures bien heureuses,
et ne demandons rien, plus rien à cette nuit
qu’un peu de folle ivresse et de divin oubli!

THAÏS et NICIAS
(sans retenir)
Demain! Demain! Demain, je ne serai pour toi qu’un nom.

THAÏS
(avec amertume)
Ah! Demain! Je ne serai pour toi plus rien... qu’un nom!


(Quelques philosophes, parmi lesquels se trouve Athanaël,
sortent de la salle tout en discutant gravement
et se dirigent lentement vers la terrasse où ils s’arrêtent.
Athanaël s’est détaché du groupe;
il demeure immobile dans une attitude sévère en regardant Thaïs.)

THAÏS
(distraite, à Nicias)
Quel est cet étranger dont le regard farouche s’attache ainsi sur moi?
Je ne l’ai jamais vu paraître en nos festins. D’où vient-il? Quel est-il?

NICIAS

(assez bas et négligemment)
Un philosophe à l’âme rude! Un solitaire du désert!
(avec ironie)
Prends garde! Il est ici pour toi!

THAÏS
(avec une légèreté malicieuse)
Qu’apporte-t-il? L’amour?

NICIAS
Nulle faiblesse humaine ne saurait amollir son coeur.
Il veut te convertir à sa sainte doctrine...

THAÏS
(même sentiment que précédemment)
Qu’enseigne-t-il?

ATHANAËL
(s’avançant doucement)
Le mépris de la chair, l’amour de la douleur,
L’austère pénitence!

THAÏS
(après l’avoir regardé longuement,
avec un sourire d’incrédulité)
Va... Passe ton chemin; je ne crois qu’à l’amour
et nulle autre puissance ne pourrait rien sur moi!


(Les Philosophes cessent leur entretien et descendent vers Thaïs.
Tous les invités, prévenus par les esclaves,
ont quitté la salle du banquet et peu à peu se joignent,
avec un sentiment d’étonnement et de curiosité, à Thaïs et à Nicias.)

ATHANAËL
(qui l’a écoutée avec une sombre colère; avec éclat)
Ah! Ne blasphème pas! Non! Ne blasphème pas!

(Tous entourent Thaïs et Nicias.
Thaïs s’avance vers Athanaël -
immobile et sombre - doucement avec grâce;
et en le regardant avec un sourire malicieux.)

THAÏS
(à Athanaël, avec un sorte de câlinerie ironique)
Qui te fait si sévère et pourquoi démens-tu la flamme de tes yeux?
Quelle triste folie te fait manquer à ton destin?
Homme fait pour aimer, quelle erreur est la tienne!
Homme fait pour savoir, qui t’aveugle à ce point!
Tu n’as pas effleuré la coupe de la vie!
Tu n’as pas épelé l’amoureuse sagesse!
(avec charme, avec séduction)
Assieds-toi près de nous, couronne-toi de roses;
rien n’est vrai que d’aimer, tends les bras à l’amour!

LES COMÉDIENNES, LES HISTRIONS et LES PHILOSOPHES
(Crobyle et Myrtale avec les Comédiennes;
à Athanaël avec le même sentiment que Thaïs)
Assieds-toi près de nous, couronne-toi de roses;
rien n’est vrai que d’aimer, tends les bras à l’amour!

ATHANAËL
(très ardemment)
Non! Non! Je hais vos fausses ivresses!
Non! Ici, je me tais; mais j’irai, pécheresse,
j’irai dans ton palais te porter le salut,
et je vaincrai l’enfer en triomphant de toi!

THAÏS, NICIAS, LES COMÉDIENNES,
LES HISTRIONS et LES PHILOSOPHES
Assieds-toi près de nous, couronne-toi de roses;
rien n’est vrai que d’aimer, tends les bras à l’amour!

ATHANAËL
J’irai dans ton palais!


(Au théâtre on passe cette mesure.
Voir la petite note de la mesure suivante,
en cas de coupure.)

THAÏS et NICIAS
Couronne-toi de roses, rien n’est vrai que d’aimer!

THAÏS, NICIAS, LES COMÉDIENNES,
LES HISTRIONS et LES PHILOSOPHES
Tends les bras à l’amour!

ATHANAËL
(au fond)
J’irai dans ton palais te porter le salut!

THAÏS, NICIAS, LES COMÉDIENNES,
LES HISTRIONS et LES PHILOSOPHES
(en riant)
Ah! Ose venir, toi que braves Venus!


(Thaïs, se disposant à reproduire la scène des amours d’Aphrodite)
(Vision du 1er Acte.)

THAÏS
(avec provocation)
Ose venir, toi qui braves Vénus!

(Athanaël a fui avec un gest d’horreur.)

RIDEAU.


Acte II


Premier Tableau
Chez Thaïs

(Thaïs paraît accompagnée de quelques histrions
et d’un petit groupe de comédiennes.
Bientôt, elle les éloigne d’un geste las.)


THAÏS

(seule, avec lassitude et amertume)
Ah! je suis seule, seule, enfin!
Tous ces hommes ne sont qu’indifférence et que brutalité.
(très accentué)
Les femmes sont méchantes... et les heures pesantes...
J’ai l’âme vide...
Où trouver le repos?
Et comment fixer le bonheur?
(rêveuse, elle prend in miroir et s’y contemple)
Ô mon miroir fidèle, rassure-moi?
(avec charme)
Dis-moi que je suis belle et que je serai belle éternellement!
Eternellement! Que rien ne flétrira les roses de mes lèvres,
que rien ne ternira l’or pur de mes cheveux!
Dis-le moi! Dis-le moi! Dis-moi que je suis belle
(avec emportement)
et que je serai belle éternellement!
Eternellement! Ah! je serai belle
(avec élan et ivresse)
éternellement!
(se dressant et prêtant l’oreille
comme si une voix lui parlait dans l’ombre.)
Ah! Tais-toi, voix impitoyable, voix que me dis:
(sourdement)
Thaïs, tu vieilliras! Thaïs, tu vieilliras!
Un jour, ainsi, Thaïs
(avec effarement)
ne serait plus Thaïs!
(se calmant peu à peu)
Non! Non! je n’y puis croire,
(s’adressant à Vénus)
Toi Vénus,
Réponds-moi de ma beauté!
Vénus réponds-moi de son éternité!
(comme un murmure et avec dévotion)
Vénus, invisible et présente!
Vénus, enchantement de l’ombre!
Vénus!
(volonté)
Réponds-moi! Réponds-moi!
(en liant)
Réponds-moi!
(en liant)
Dis-moi que je suis belle et que je serai belle éternellement!
Éternellement! Que rien ne flétrira les roses de mes livres,
que rien ne ternira l’or pur de mes cheveux!
Dis-le moi! Dis-le moi! Dis-moi que je suis belle
(avec emportement)
et que je serai belle éternellement!
Éternellement!
Ah! je serai belle
(avec élan et ivresse)
éternellement!
(apercevant Athanaël qui est entré silencieusement
et s’est arrêté sur le seuil, avec charme)
Etranger, te voilà, comme tu l’avais dit!

ATHANAËL
(murmurant une prière du fond du coeur, palpitant)
Seigneur! Seigneur!
Fais que son radieux visage soit comme voilé devant moi!
Fais que la force de ses charmes ne triomphe pas de ma volonté!

THAÏS
(avec un sourire engageant)
Allons, parle à présent.

ATHANAËL
On dit que nulle femme ne t’égale
et c’est pourquoi j’ai voulu te connaître,
et c’est pourquoi, te voyant,
j’ai compris combien il me serait glorieux de te vaincre!

THAÏS
(en souriant)
Tes hommages sont haut; ton orgueil les dépasse;
présomptueux, prends garde de m’aimer!

ATHANAËL
(avec chaleur)
Ah! je t’aime, Thaïs, et j’aime à te le dire; mais je t’aime non comme tu l’entends!
Moi, je t’aime en esprit, je t’aime en vérité.
Je te promets mieux qu’ivresse fleurie et songes d’une brève nuit.
Cette félicité qu’aujourd’hui je t’apporte ne finira jamais! Jamais! Jamais!

THAÏS
(ironique, en riant)
Ah! Ah! Ah! Ah!
Montre moi donc ce merveilleux amour!
Un amour vrai n’a qu’un langage: les baisers.

ATHANAËL
(comme avec un reproche)
Thaïs, ne raille pas! L’amour que je te prêche,
c’est l’amour inconnu!

THAÏS
(légèrement)
Ami, tu viens bien tard...
Je connais toutes les ivresses.

ATHANAËL
(fougueux et sombre)
L’amour que tu connais n’enfante que la honte.
L’amour que je t’apporte est le seul glorieux!

THAÏS
(avec hauteur)
Je te trouve hardi d’offenser ton hôtesse!

ATHANAËL
T’offenser! Je ne songe qu’à te conquérir à la vérité!
(avec un enthousiasme croissant)
Qui m’inspirera des discours embrasés pour qu’à mon souffle,
ô courtisane, ton coeur fonde comme une cire!
Qui pourra te livrer à moi!
Qui changera ma parole en un Jourdain
dont les flots répandus prépareront ton âme à la vie éternelle!

THAÏS
(troublée, le regardant à la dérobée
avec un vague sentiment de crainte)
A la vie éternelle!

ATHANAËL
A la vie éternelle!

THAÏS
(prenant une résolution,
mais d’abord tout en tremblant)
Eh! bien... fais moi connaître... tout cet amour
(avec un doux effroi)
mystérieux... Je t’obéis...
(d’une voix suffoquée)
Je suis à toi...

(Thaïs, avec une spatule d’or,
puise dans une coupe quelques grains d’encens
qu’elle jette dans le brûle-parfums.)

ATHANAËL
(à part, avec fièvre)
Un tumulte effrayant s’élève en ma pensée!
(haletant)
Seigneur! Seigneur!
Fais que son radieux visage soit comme voilé devant moi.


(Une fumée légère enveloppe Thaïs en même temps que la Déesse
et tandis qu’Athanaël troublé la regarde,
elle murmure en souriant et comme instinctivement
une sorte d’incantation mystérieuse.)

THAÏS
(avec calme et comme extasiée)
Vénus invisible et présente!

ATHANAËL
(très ému)
Pitié! Seigneur!

THAÏS
Vénus, enchantement de l’ombre!
Vénus, éclat du ciel et blancheur de la neige!
Vénus, descends et règne! Splendeur! Volupté! Douceur!

ATHANAËL
(priant avec ardeur)
Que la force de ses charmes
ne triomphe pas de ma volonté!
Seigneur!
(d’un voix étouffée)
Pitié!
(reprenant violemment possession de lui même,
déchire, arrache sa robe d’emprunt sous laquelle
il a gardé son cilice.)
Je suis Athanaël, Moine d’Antinoé!
Je viens du saint désert et je maudis la chair
et je maudis la mort qui te possède!
Et me voici devant toi, comme devant un tombeau,
et je te dis:
(d’une voix éclatante)
Thaïs, lève-toi! Lève-toi!

THAÏS
(avec épouvante se jetant à ses pieds)
Ah!
(frémissante)
Pitié! Ne me fais pas de mal!
Parle! que me veux-tu? Non!
Ah! par pitié, tais-toi! par pitié, tais-toi!
Je n’ai pas plus
(haletante)
choisi mon sort que ma nature!
Et ce n’est pas ma faute à moi si je suis belle.
(très déchirant et expressif)
Pitié! Ne me fais pas mourir!
Ah! je crains tant la mort! Ne me fais pas mourir! pitié!
Ne me fais pas de mal!
(presque parlé, en sanglotant)
Pitié! pitié! Non! Ne me fais pas mourir!

ATHANAËL
(avec enthousiasme)
Non! Je l’ai dit: Tu vivras de la vie éternelle,
Sois à jamais la bien aimée
et l’épouse du Christ dont tu fus l’ennemie!

THAÏS
(avec ardeur)
Ah! Je sens une fraîcheur en mon âme ravie,
je frissonne et demeure charmée!
Ah! Quel pouvoir est le sien!

LA VOIX DE NICIAS
(au loin et se rapprochant graduellement)
Thaïs,
(avec gaîté et charme)
idole fragile, je veux une dernière fois...

THAÏS
(écoutant avec un sentiment de répulsion)
Nicias! encor!

LA VOIX DE NICIAS
(de même)
Je veux l’amour de ta lèvre fleurie...

THAÏS
(comme à elle-même, avec agitation)
Mon âme n’est plus mienne.
(avec dédain et colère)
M’aimer! Il n’a jamais aimé personne!
(brusquement)
Il n’aime que l’amour!

LA VOIX DE NICIAS
(plus près)
Demain, je ne serai pour toi plus rien qu’un nom!
Plus rien... qu’un nom!

ATHANAËL
(à Thaïs)
Tu l’entends?

THAÏS
(à Athanaël, avec énergie)
Eh! bien, Va!
Dis-lui que je déteste tous les riches, tous les heureux!
Qu’il m’oublie! Entends-tu! Dis-lui que je le hais!

ATHANAËL
(à Thaïs, avec autorité)
A ton seuil, jusqu’au jour, j’attendrai ta venue!

THAÏS
(avec résolution et fermeté; à volonté)
Non je reste Thaïs! Thaïs! la courtisane!
Je ne crois plus à rien et je ne veux plus rien:
Ni lui, ni toi, ni ton Dieu!
(éclatant de rire)
Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah!
(ici avec des pleurs et des sanglots, à volonté)
Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah!


RIDEAU.

Fin du 1er Tableau.

(La musique continue jusqu’au changement.)

Méditation

Deuxième Tableau

(Avant le jour. Sur une place, devant la maison de Thaïs.
Sous le portique, au premier plan, une petite statuette d’Éros,
sur une stèle; devant l’image une lampe allumée.
La lune éclaire encore la place.
Au bas des degrés du portique Athanaël, couché sur le pavé.
Au fond, à droite, une maison dans laquelle sont réuni
Nicias et ses amis de plaisir.
Les fenêtres de cette maison sont éclairées.
On entend vaguement une musique de fête.
Thaïs paraît; elle prend la lampe qu’elle élève
au dessus de sa tête pour voir sur la place.
Elle descend ainsi les degrés.
Elle aperçoit Athanaël, repose la lampe où elle l’a prise
et revient vers lui.)

THAÏS
(se penche vers Athanaël, mystérieusement, à voix basse)
Père, Dieu m’a parlé par ta voix! Me voici!

ATHANAËL
(qui s’est levé, de même, à voix basse)
Thaïs, Dieu t’attendait!

THAÏS
(toujours à voix basse; avec humilité)
Ta parole est restée en mon coeur comme un baume divin;
j’ai prié, j’ai pleuré! Il s’est fait en mon âme une grande lumière;
ayant vu le néant de toute volupté,
(avec soumission)
vers toi je viens ainsi que tu l’as commandé.

ATHANAËL
Va, courage, ô ma soeur! L’aube du repos se lève!

THAÏS
(humblement)
Que faut-il faire!

ATHANAËL
Non loin d’ici, vers l’occident,
il est un monastère où des femmes élues
vivent pareilles à des anges
dans un parfait recueillement,
(bien chanté)
pauvres, pour que Jésus les aime,
modestes, pour qu’il les regarde, chastes,
(très expressif)
pour qu’il les épouse! C’est là que je te conduirai.
A leur pieuse mère, Albine, je te consacrerai!

THAÏS
Albine, fille des Césars!

ATHANAËL
(simplement)
Et la servante la plus pure du Christ!
(avec mystère)
Là, je t’enfermerai dans l’étroite cellule
jusqu’au jour où Jésus te viendra délivrer!
(avec enthousiasme)
Va! N’en doute pas! Il viendra lui-même,
et quel tressaillement dans la chair de ton âme
quand tu sentiras sur tes yeux se poser ses doigts de lumière,
(avec âme)
afin d’en essuyer les pleurs!

THAÏS
(avec joie)
Emmène-moi, mon père!

ATHANAËL
Oui!
(avec autorité, avec violence)
Mais, d’abord, anéantis ce qui fut l’impure Thaïs,
ton palais, tes richesses, tout ce qui proclame ta honte!
Brûle tout! Anéantis tout!

THAÏS
(résignée)
Père, qu’il en soit ainsi.
(Elle se dirige vers la maison,
puis s’arrête avec un sourire devant la petite image d’Éros.)
Je ne veux rien garder de mon passé, rien... que cela...
(prenant et apportant dans ses bras l’image
qu’elle présente à Athanaël)
Cette image d’ivoire, cet enfant,
d’un travail antique et merveilleux, c’est Éros!
(tendre et chaste)
C’est l’amour! Considère, ô mon père,
que nous ne le pouvons traite cruellement.
L’amour est une vertu rare,
J’ai péché, non par lui, mais plutôt contre lui.
Ah! Je ne pleure pas de l’avoir eu pour maître,
mais d’avoir méconnu sa volonté.
Il défend
(très expressif)
qu’une femme se donne, à qui ne vient point en son nom,
et c’est pour cette loi qu’il convient qu’on l’honore.
(simplement)
Prends-le, pour le placer dans quelque monastère,
et ceux qui le verront se tourneront vers Dieu!
(sans presser)
Car l’amour nous élève aux célestes pensées.
(simplement)
Quand Nicias m’aimait, il m’offrit cette image.

ATHANAËL
(avec une explosion de colère)
Nicias! Nicias! Ah! maudis la source empoisonnée
d’où te vient ce présent! Qu’il soit anéanti!
(Il a saisi la statuette qu’il jette violemment
sur le pavé où elle se brise.
Il en chasse les débris du pied.)
Et tout le reste à la flamme, à l’abîme!
Viens, Thaïs! Que tout ce qui fut toi,
retourne à la poussière, à l’éternel oubli!

THAÏS et ATHANAËL
(la tête baissé, toute tremblante)
Que tout ce qui fut moi (toi) retourne à la poussière,
à l’éternel oubli! Viens! Viens!


(Ils entrent dans la maison.
Quand Thaïs et Athanaël sont sortis,
paraissent Nicias et tous les personnages du 2d tableau.
Ils descendent joyeusement, en tumulte, de la maison du fond.
Nicias les mène, très animé, comme un peu étourdi par l’ivresse.)

NICIAS
(à haute voix, à tous)
Suivez-moi tous, amis! La nuit n’est pas finie! Venez! Venez!
Le jeu m’a rendu trente fois le prix dont je payais la beauté de Thaïs!
Donc, rejouissons-nous encor! encor! encor! encor!

CROBYLE, MYRTALE, AMIES ET AMIS DE NICIAS
Encor! encor! encor! Evohé! Evohé!

NICIAS
(à des serviteurs)
Appelez les danseuse d’Asie, le Psylles et les baladins!
(à ses amis)
Faisons durer jusqu’à l’aurore les danses, les jeux et les cris!
Allumons des flambeaux!

CROBYLE, MYRTALE, AMIES ET AMIS DE NICIAS
(gaiment)
Allumons des flambeaux!
Faisons honte au soleil!

NICIAS
Qu’on jette là d’épais tapis! A mes côtés, Crobyle, et toi, Myrtale!

NICIAS, CROBYLE, MYRTALE,
AMIES ET AMIS DE NICIAS
Evohé! Evohé!

NICIAS
Rien n’est vrai que la vie! Rien n’est sage que la folie!

BALLET

NICIAS
(à l’apparition de La Charmeuse, à tous)
Voilà l’Incomparable!
(à Crobyle)
Prends la lyre, Crobyle,
(à Myrtale)
et toi prends la cithare Myrtale!
Et toutes deux chantez le cantique de la Beauté!


(La Charmeuse danse.
Crobyle et Myrtale chantent en s’accompagnant
de leurs instruments tandis que
La Charmeuse développe en poses lentes
et formule des pas légers jetant à travers le chant
des deux esclaves les fusées de sa voix.)

CROBYLE et MYRTALE
Celle qui vient est plus belle
Que la reine de Saba qui dansait sur des miroirs!

LA CHARMEUSE
(Elle chante.)
Ah!


(Elle danse.)

CROBYLE et MYRTALE
Et de l’ombre de ses voiles
Partent les traits de sa voix
Comme des flèches de feu!

LA CHARMEUSE
(Elle chante.)
Ah!


(La Charmeuse danse.)

CROBYLE et MYRTALE
Elle a le teint d’ambre pâle.
Elle vient aérienne!
Comme une idole impassible,
Elle va!

LA CHARMEUSE
(Elle chante.)
Ah!


(La Charmeuse danse.)

CROBYLE et MYRTALE
Elle entraîne, elle caresse.
Ses regards jettent de chaînes,
Ses beaux regards alanguis
Qui font les hommes captifs.
Sans rien savoir de son pouvoir,
Elle entraîne,
Elle caresse,
Elle a le charme mortel!

LA CHARMEUSE
(Elle chante.)
Ah!

CHOEUR
Evohé! Evohé! Evohé! Evohé! Evohé! Evohé!


(Athanaël, paraît au seuil de la maison
une torche allumé à la main.)

NICIAS
(avec surprise et gaîté)
Eh! c’est lui! Athanaël!

CROBYLE, MYRTALE, AMIES ET AMIS DE NICIAS
(avec surprise et gaîté)
Athanaël!

NICIAS CROBYLE, MYRTALE,
AMIES ET AMIS DE NICIAS
(ironiquement)
Salut sage des sages! Thaïs à donc désarmé ta raison?
Ah! ah! voyez sa face glorieuse!
(en riant aux éclats)
Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah!

ATHANAËL
(jetant la torche qui s’éteint sur le sol, sévère)
Ah! taisez-vous! Thaïs est l’épouse de Dieu, elle n’est plus à vous!
La Thaïs infernale est morte à tout jamais,
Et la Thaïs nouvelle, la voici!


(Paraît Thaïs, les cheveux défaits, vêtue d’une tunique de laine.
Ses esclaves la suivent attristés, regardant vers la maison d’où,
dès ce moment, montent de légères fumées que vont bientôt suivre
des lueurs d’incendie et des flammes selon le mouvement de l’action.
La foule attirée par les cris et les rires envahit la place progressivement.)

ATHANAËL
(à Thaïs)
Viens, ma soeur, et fuyons à jamais cette ville!

NICIAS (1er GROUPE)
(Crobyle et Myrtale avec les Soprani, tous s’interposant)
Jamais! Non! Jamais! Non!
L’emmener! Que dit-il? Non! Jamais! Non!

2d GROUPE (LES AMIS DE NICIAS)
(tous s’interposant)
L’emmener! Que dit-il? Non! Jamais!
L’emmener! Que dit-il? Non!

THAÏS
Il dit vrai!

NICIAS
Thaïs! Tu nous quitterais! Est-ce possible!


(Nicias a pris le bras de Thaïs.)

ATHANAËL
(la lui arrachant)
Impie! Crains de mourir, si tu touches à celle-ci!
Elle est sa crée! Elle est la part de Dieu!
(prenant Thaïs près de lui et voulant s’éloigner)
Passage!

NICIAS ET LA FOULE
Non! Non! Non!

ATHANAËL
Passage!

NICIAS ET LA FOULE
Non! Que lui veut donc cet homme!
Qu’il retourne au désert!
(un petit groupe menaçant Athanaël)
Va-t-en! Cynocéphale!
Nous rependre Thaïs!

NICIAS
(suppliant Thaïs)
Thaïs! Ne pars pas! Reste!
O Thaïs! Ne part pas! Reste!

LA FOULE
(1er Groupe)
Eh! de qui vivrons-nous!
(Les femmes affolées désignant la maison incendiée.)
Ah! Mes colliers! Mes bijoux!
Eh! qui donc nous paiera
Pour qui donc sont les lois!
Il nous vole Thaïs!
Qu’elle reste!
Et lui qu’on l’assomme!
Aux corbeaux! Au gibet!
A l’égout! Aux corbeaux!

LA FOULE
(2d Groupe)
Mes robes! Mes chevaux!
Eh! qui donc nous paiera
Pour qui donc sont les lois!
Il nous vole Thaïs!
Qu’elle reste!
Et lui qu’on l’assomme!
Aux corbeaux! Au gibet!
A l’égout! Aux corbeaux!

LA FOULE
(les femmes)
La flamme! L’incendie! La flamme!
La palais brûle!
(un homme du peuple)
Tiens! satyre, à toi!

LA FOULE
(jetant une pierre à Athanaël qu’il blesse au front)
(rires)
Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah! Ah!

THAÏS et ATHANAËL
(l’un près de l’autre, debout, très calmes,
regardant la foule menaçante. L’incendie augmente.)
Ah! Mourons, si c’est notre heure!
Achetons en un instant,
une éternelle allégresse au prix de tout notre sang!

NICIAS
Ah! Par pitié! Reste avec nous! Thaïs! Thaïs!
Ne pars pas! Reste avec nous, par pitié!

LA FOULE
(rires, tous lui jettent des pierres)
Ah!
(avec effroi)
La flamme! L’incendie! A mort! Il brûle le palais!
L’infâme! A mort! A mort!

NICIAS
(défendant Thaïs contre la foule)
Non! Non! Non!
(parvenant à s’interposer)
Arrêtez! Par tous les Dieux!
Voilà de quoi vous apaiser!


(Nicias a puisé dans son escarcelle et jette l’or à poignées.
La foule se précipite sur l’or qu’elle se dispute à grands cris.)

LA FOULE
De l’or!

NICIAS
(à Athanaël et à Thaïs)
Allez!
(avec émotion)
Adieu, Thaïs! En vain tu m’oublieras.
Ton souvenir sera le parfum de mon âme!

THAÏS
(avec âme)
Ah! Pour jamais, adieu!

NICIAS
Pour jamais, adieu!

ATHANAËL
(entraîne Thaïs)
Viens! Et pour jamais!


(Nicias jette de nouveau l’or.
Nouvelles clameurs de la foule.
Athanaël et Thaïs s’enfuient.
Le palais s’écroule.)

LA FOULE
De l’or!

(La Toile s’est baissée rapidement.)

Acte III


Premier Tableau
L’Oasis

(Sous les palmiers, un puits.
Plus loin, pour les voyageurs, un abri dans la verdure.
Plus loin encore, à la lisière du sable, incendié de soleil,
les cellules blanches de la retraite d’Albine.
Le soleil est très haut.
Sous les palmiers, une à une, quelques femmes viennent en silence,
descendent au puits, en remontent et s’éloignent.
Thaïs et Athanaël paraissent.)


THAÏS
(accablée de fatigue, se soutient à peine)
L’ardent soleil m’écrase comme un fardeau trop lourd!
Ah! je succombe au poids du jour! Arrêtons-nous!

ATHANAËL
(avec rudesse)
Non! Marche encore! Brise ton corps, anéantis ta chair!

THAÏS
(humblement)
Père, tu dis vrai. Ma torture, je l’offre au divin rédempteur.

ATHANAËL
Seul, le repentir nous épure. Marche!
(d’une voix sourde et terrible)
Ce corps parfait que tu livras aux païens, aux infidèles,
(avec une furie soudaine)
à Nicias!
(puissant et attendri)
Dieu l’avait pourtant formé pour qu’il devint son tabernacle!
(changeant de ton, avec rudesse)
Et maintenant... que tu connais...
la vérité, tu ne peux plus unir tes lèvres,
tu ne peux plus joindre tes mains,
sans concevoir le dégoût de toi-même.
Marche! Expie!

THAÏS
(humblement)
Père, tu dis vrai.

ATHANAËL
Expie!

THAÏS
(craintive)
Sommes-nous loin encor de la maison de Dieu?

ATHANAËL
(avec rudesse)
Marche!

THAÏS
(chancelante)
Je ne puis! pardon, vénéré père!


(Comme elle va défaillir, il la soutient dans ses bras,
puis la fait asseoir à l’ombre.
Il la contemple un instant silencieusement.
Tout à coup, alors, l’expression de son visage s’adoucit.)

ATHANAËL
Ah! des gouttes de sang coulent de ses pieds blancs.
La pitié s’émeut en mon âme! Pauvre enfant, pauvre femme!
J’ai trop prolongé cette épreuve, pardonne-moi! O ma soeur!
(Il se prosterne. Il pleure. Il baise les pieds saignants de Thaïs.)
O sainte Thaïs! O sainte,
(avec adoration)
très sainte Thaïs!

THAÏS
(le regardant longuement)
Ta parole a la douceur
(caressant)
d’une aurore!
(avec résolution)
Marchons maintenant!

ATHANAËL
(la retenant avec douceur)
Pas encore.
(calme sans lenteur, avec une affectueuse sollicitude)
De l’eau fraîche, des fruits, te rendront quelque force...
attends... que je descende vers le puits... que j’aille
vers la halte hospitalière. Vois, là-bas, ces cellules blanches:
C’est le couvent d’Albine où nous allons.
Le but est proche; Espère, prie!


(Il s’éloigne lentement, va vers l’abri sous le feuillage,
rapporte des fruits dans une corbeille,
puis descend vers le puits avec une coupe de bois.)

THAÏS
(seule)
O messager de Dieu, si bon dans ta rudesse,
Sois béni, toi qui m’as ouvert le ciel!
Ma chair saigne, et mon âme est pleine d’allégresse,
Un air léger baigne mon front brûlant.
Plus fraîche que l’eau de la source,
Plus douce qu’un rayon de miel,
Ta pensée est en moi suave et salutaire et mon esprit,
Dégagé de la terre plane déjà dans cette immensité!
Très vénéré père, sois béni!


(Athanaël revient portant l’eau et les fruits.)

THAÏS
(très soutenu tendre et intime)
Baigne d’eau mes mains et mes lèvres,
Donne ces fruits, donne ces fruits,
Baigne d’eau mes mains et mes lèvres,
Ma vie est à toi,
Ma vie est à toi,
Dieu te la confie.
Je t’appartiens,
Ma vie est à toi,
Dieu te la confie.

ATHANAËL
(près de Thaïs, lui offrant la coupe)
Baigne d’eau tes mains et tes lèvres,
Goûte à ces fruits,
Goûte à ces fruits,
Baigne d’eau tes mains et tes lèvres,
Ta vie est à moi,
Ta vie est à moi,
Dieu me le confie.
Tu m’appartiens,
Ta vie est à moi,
Dieu me le confie.


(Thaïs après avoir bu élève, en souriant,
sa coupe vers Athanaël.)

THAÏS
Bois à ton tour!

ATHANAËL
(transfiguré et tendrement radieux)
Non! à te voir revivre, je goûte une douceur meilleure...
Je sens ton mal apaisé...
O douceur ineffable!

THAÏS
Tout m’enivre...
O divine bonté!

THAÏS
Baigne d’eau mes mains et mes lèvres,
Donne ces fruits,
Donne ces fruits,
Je t’appartiens, ma vie est à toi,
Dieu te la confie.
Ma vie est à toi!

ATHANAËL
Baigne d’eau tes mains et tes lèvres,
Goûte à ces fruits,
Goûte à ces fruits,
Tu m’appartiens, ta vie est à moi,
Dieu me la confie.
Ta vie est à moi!

DES VOIX
(1rs et 2ds Soprano, au loin)
Pater noster, qui es in coelis,
Panem nostrum quotidianum da nobis.

THAÏS
(surprise)
Qui vient?

ATHANAËL
(qui a été regarder et revient)
Ah! providence divine!
Voici la vénérable Albine et ses soeurs
rapportant le pain noir du couvent.
Elles viennent vers nous et marchent en priant.

LES VOIX
(plus proches)
Et ne nos inducas in tentationem,
sed liberanos a malo.


(Albine et ses compagnes paraissent.)

ATHANAËL
(pieusement)
Amen!
(à Albine)
La paix du Seigneur soit avec toi, sainte Albine.
J’apporte à ta ruche divine
Une abeille que j’ai, par la grâce d’en haut,
Trouvée un jour perdue en un chemin sans fleurs.
Dans le creux de ma main, très frêle, je l’ai prise.
De mon souffle je l’ai réchauffée
et voici que pour la consacrer à Dieu je te la donne.

ALBINE
(pieusement)
Ainsi soit-il!

ATHANAËL
(avec une émotion contenue)
Je n’irai pas plus loin.

ALBINE
(elle prend Thaïs dans ses bras
et la tient un instant maternellement embrassée)
Venez, ma fille.

ATHTANAËL
Mon oeuvre est accomplie!
Adieu, chère Thaïs, reste recluse en l’étroite cellule,
Fais pénitence et prie à chaque heure pour moi!

THAÏS
(sans lenteur)
Je baise tes mains secourables et je pleure à te quitter...
(simple)
O toi qui m’as rendue à Dieu!

ATHANAËL
O parole touchante!
(avec une exaltation croissante)
O larmes adorables!
Bien heureuse la pécheresse gagnée à l’éternel amour!
(s’attendrissant)
Que son visage est beau!
Quel rayon d’allégresse émane de ses yeux!

THAÏS
Adieu, pour toujours!

ATHANAËL
(comme frappé)
Pour toujours?

THAÏS
Dans la cité céleste nous nous retrouverons!

ALBINE et LES FILLES BLANCHES
Amen!


(Elles s’éloignent. Athanaël la suite du regard
comme dans un rêve.)

ATHANAËL
(seul)
Elle va lentement parmi les fille blanches,
Les palmiers inclinent leurs branches
Comme pour rafraîchir son front,
(peu à peu suffoqué par l’émotion)
Et les jours, et les ans passeront...
Sans qu’elle m’apparaisse encore!
(abattu)
Je ne la verrai plus!
(avec un cri d’angoisse)
Je ne la verrai plus!
(Appuyé sur son bâton, il regarde encore
et toujours ardemment vers le chemin qu’a pris Thaïs.)

Rideau.

Deuxième Tableau

La Thébaïde

(Les cabanes des Cénobites au bord du Nil.
Le Ciel est rouge à l’Occident. Il y a dans l’air des menaces d’orage.
Les Cénobites viennent de terminer leur repas du soir
et regardent le ciel avec une vague terreur.

Rideau

Rafales lointaines du Simoun.)

LES 12 CÉNOBITES
Que le ciel est pesant! Quelle torpeur accable les êtres et les choses.

SIX CÉNOBITES
(basses)
On entend au loin le cri du chacal!
(ténors)
Le vent va déchaîner ses meutes rugissantes

LES 12 CÉNOBITES
(larges éclairs et grondement de la foudre, au loin)
Avec le tonnerre et l’éclair!

PALÉMON
(aux Cénobites qui s’empressent au travail
selon l’indication de Palémon)
Rentrons dans nos cabanes et nos grains et nos fruits.
Redoutons une nuit d’orage qui les disperserait.

UN CÉNOBITE
Athanaël... Qui l’a vu?

PALÉMON
Depuis vingt jours qu’il nous est revenu, mes frères,
je crois bien qu’il n’a mangé, ni bu!
Le triomphe qu’il a remporté sur l’enfer
semble l’avoir brisé de corps et d’âme!


(Athanaël paraît les yeux fixes, l’air farouche, le corps comme brisé.)

LES CÉNOBITES
(avec respect)
C’est lui qui vient!

(Athanaël passe au milieu d’eux comme s’il ne les voyait pas.)

UN GROUPE
Sa pensée est absente.

UN AUTRE GROUPE
Elle est auprès de Dieu!

1er GROUPE
(en s’éloignant)
Respectons son silence.

2d GROUPE
(en s’éloignant)
Laissons le seul...

1er GROUPE
Laissons le seul...

ATHANAEL
(à Palémon avec humilité)
Demeure auprès de moi;
il faut que je confesse le trouble
de mon âme à ton âme sereine.
Tu sais, Ô Palémon,
que j’ai reconquis l’âme de celle qui fut l’impure Thaïs;
une orgueilleuse joie a suivi ce triomphe
et je suis revenu vers ce désert de paix! Et!
(suffoqué)
bien, en moi la paix est morte!
(frémissant)
En vain j’ai flagellé ma chair,
en vain je l’ai meurtrie!
Un démon me possède!
La beauté de la femme hante mes visions!
(bien chanté)
Je ne vois que Thaïs, Thaïs! Thaïs!
Ou mieux, ce n’est pas elle,
C’est Hélène et Phryné c’est Vénus Astarté,
toutes les splendeurs et toutes les voluptés en une seule créature!
Je ne voix que Thaïs! Thaïs! Thaïs!


(Il tombe comme écrasé de honte aux pieds de Palémon.)

PALÉMON
(doucement et simplement posant la main
sur le tête d’Athanaël)
Ne t’avais-je pas dit:
"Ne nous mêlons jamais, mon fils aux gens du siècle;
craignons les pièges de l’esprit!"
Ah! Pourquoi nous as-tu quittés? Pourquoi?
Que Dieu t’assiste!

(Athanaël se lève. Palémon l’embrasse et s’éloigne.)
Adieu!

(Athanaël, seul, s’agenouille sur sa natte,
étend les bras pour une muette et fervente oraison.
Après quoi il s’allonge, les mains jointes et s’endort.
C’est la Thébaïde. Athanaël endormi à la même place.
Thaïs, près de lui, droite.)

THAIS
(à Athanaël, avec un grand charme et une séduction provocante)
Qui te fait si sévère, et pourquoi démens-tu la flamme de tes yeux?)

ATHANAEL
(d’une voix étouffée, comme en rêvant)
Thaïs!

THAIS
Quelle triste folie te fait manquer à ton destin?
Homme fait pour aimer,
(avec un sourire)
quelle erreur est la tienne!

ATHANAEL
(haletant, se levant)
Ah! Satan! Arrière! Ma chair brûle!

THAIS
(avec provocation)
Ose venir, toi qui braves Vénus!

ATHANAEL
(éperdu)
Je meurs!

THAIS
(rires stridents)
Ah!
(à volonté)
Ah!

ATHANAEL
Thaïs!

THAIS
(de même)
Ah! Ah! Ah! Ah! Ah!

ATHANAEL
Viens! Viens! Viens! Thaïs!
(L’image de Thaïs disparaît subitement.)
Vision

ATHANAEL
(Apercevant la Vision:
avec un cri d’épouvante, et reculant)
Ah!

(Les voix placées assez loin.
On doit chanter fort. Effet très doux.)

LES VOIX
Une Sainte est près de quitter la terre,
Thaïs d’Alexandrie va mourir! Thaïs va mourir!

(La Vision s’efface.)

ATHANAEL
(avec égarement répétant les paroles
entendues pendant la vision)
Thaïs va mourir! Thaïs va mourir!
(avec une passion furieuse)
Alors, pourquoi le ciel, les êtres, la lumière?
A quoi bon l’univers? Thaïs va mourir!
Ah! la voir encore! Le revoir, la saisir, la garder!
Je la veux! Je la veux
(haletant et désespéré)
Je vais te reprendre! Je vais te reprendre?
(en délirant)
Sois à moi! Sois à moi! A moi! A moi!
Sois à moi! Sois à moi!

(Il s’élance et disparaît dans la nuit. Fin de tableau.
La musique continue jusqu’au changement.
Obscurité complète. Nuages envahissants.
Éclairs sinistres. Tonnerre.)

Troisième Tableau

La Mort de Thaïs

(Le jardin du monastère d’Albine.
A l’ombre d’un grand figuier, Thaïs est étendue,
immobile, comme morte.
Ses compagnes et Albine sont autour d’elle.)

LES FILLES BLANCHES
(Les Filles blanches à genoux,
les mains jointes, autour de Thaïs; presque murmuré)
Seigneur, ayez pitié de moi selon votre mansuétude!
Effacez mon iniquité selon votre miséricorde!

ALBINE
(à part, contemplant Thaïs)
Dieu l’appelle et, ce soir,
la blancheur du linceul aura voilé ce pur visage!
Durant trois mois, elle a veillé, prié, pleuré...
Son corps est détruit par la pénitence,
mais ses péchés sont effacés!

LES FILLES BLANCHES
Seigneur, ayez pitié de moi selon votre mansuétude!


(Athanaël, très pâle, très troublé paraît à l’entrée du jardin.
Ayant été aperçu par Albine,
il contient de suite son émotion et s’arrête humblement.
Albine est allée au devant de lui avec respect.
Les filles blanches forment un groupe
qui tout d’abord dérobe à Athanaël la vue de Thaïs.)

ALBINE
(à Athanaël, simplement)
Sois le bienvenu dans nos tabernacles,
ô père vénéré!
Car sans doute tu viens pour bénir cette sainte
que tu nous a donnée?

ATHANAEL
(avec un trouble,
un égarement qu’il essaie de contenir)
Oui, Thaïs!

ALBINE
Ayant fait ce que ton esprit pur lui commanda de faire,
voici qu’elle va voir l’éternelle lumière!


(Les compagnes de Thaïs s’étant écartées,
Athanaël aperçoit Thaïs.)

ATHANAEL
(avec angoisse)
Thaïs! Thaïs!


(Athanaël, écrasé de douleur, est tombé prosterné.
Albine et les Filles blanches s’éloignent de quelques pas.
Les Filles blanches et Albine en s’éloignant.)

LES FILLES BLANCHES
(presque murmuré)
Seigneur, ayez pitié de moi selon votre mansuétude!

(Athanaël s’est traîné sur le genoux
et se trouve près de Thaïs à laquelle il tend les bras.)

ATHANAEL
(à voix basse et douloureusement)
Thaïs!

THAIS
(ouvre les yeux et regarde Athanaël avec douceur)
C’est toi, mon père!
(dans l’extase et n’écoutant pas ce que lui répond Athanaël)
Te souvient-il du lumineux voyage lorsque tu m’as conduite ici?

ATHANAEL
(avec attendrissement)
J’ai le seul souvenir de ta beauté mortelle!

THAIS
Te souvient-il de ces heures de calme
dans la fraîcheur de l’oasis!

ATHANAEL
(avec ardeur)
Ah! Je me souviens seulement de cette soif
inapaisée dont tu seras l’apaisement...

THAIS
Surtout te souvient-il de tes saintes paroles
en ce jour où par toi j’ai connu le seul amour!

ATHANAEL
(avec anxiété)
Quand j’ai parlé je t’ai menti!

THAIS
(toujours sans l’écouter et dans le ravissement)
Et la voilà l’aurore!

ATHANAEL
Je t’ai menti!

THAIS
Et les voilà les roses de l’éternel matin!

ATHANAEL
(comme pour la convaincre)
Non! Le ciel... Rien n’existe...
(avec fièvre)
Rien n’est vrai que la vie et que l’amour des être...
(avec adoration)
Je t’aime!

THAIS
Le ciel s’ouvre! Voici les anges et les prophètes...
et les saints! Ils viennent avec un sourire,
(elle se soulève)
les mains toutes pleines de fleurs!

ATHANAEL
Entends-moi donc... Ma toute aimée!

THAIS
(elle se lève tout à fait)
Deux séraphins aux blanches ailes planent dans l’azur,
et comme tu l’as dit, le doux consolateur posant
sur mes yeux ses doigts de lumière!
Ah! en essuie à jamais les pleurs!

ATHANAEL
Viens! tu m’appartiens! O ma Thaïs! Je t’aime... Je t’aime! Thaïs!
Ah! Viens! Dis-moi: je vivrai! Je vivrai!

THAIS
Le son des harpes d’or m’enchante!
De suaves parfums me pénètrent!
Je sens une exquise béatitude,
Ah! Ah! Une béatitude endormir tous mes maux!

ATHANAEL
O Thaïs! Ma Thaïs! O ma Thaïs, tu m’appartiens! Thaïs!
Thaïs! Je t’aime!
Viens! Thaïs! Ah! Viens! Viens!

THAIS
Ah! le ciel! Je voix... Dieu!


(Elle meurt.)

ATHANAËL
Morte!
(avec un accent déchirant)
pitié!


Rideau


F I N

 

 

 


El maravilloso arte de la ópera: drama, emoción y sensibilidad artística.

El maravilloso arte de la ópera: drama, emoción y sensibilidad artística.

“Primer artículo sobre ópera”  

La ópera es un arte completísimo que nos permite disfrutar de un espectáculo escénico y musical de primer nivel. El valor dramático, romántico e incluso cómico, la creación de ambientes y matices que fueron capaces de dar a luz los grandes compositores se unen en algunos casos a la inspiración de grandiosos artistas con pleno dominio de su temperamento e  instrumento.

 

Sirva para bautizar mis artículos sobre ópera (hasta ahora sólo había publicado artículos y críticas sobre cine) ésta apasionante declaración subjetiva de mis preferencias, de mis intérpretes preferidos en sus roles. Naturalmente, igual que sucedía en las listas sobre cine, un ejercicio reduccionista como éste corre el peligro de simplificar. Me arriesgo entonces:  

 

 INTERPRETACIONES ESTELARES  

 

Alfredo Kraus

 

  • I Puritani de Bellini
  • La Favorita de Donizetti
  • La fille du regiment de Donizetti
  • Lucia di Lammermoor de Donizetti
  • Werther de Massenet
  • Manon de Massenet
  • Los pescadores de perlas de Bizet (la mejor interpretación en mi opinión del difícil rol de Nadir, aunque muchos reivindican a Gedda)
  • Fausto, Romeo y Julieta de Gounod
  • Los cuentos de Hoffman de Offenbach

  

María  Callas 

  • Tosca de Puccini
  • Madama Butterfly de Puccini
  • La Traviata de Verdi
  • La forza del destino de Verdi
  • Aida de Verdi
  • Lucia di Lammermoor de Donizetti

 

Piero Cappuccilli

 

  • Andrea Chenier de Giordano
  • Otello de Verdi
  • Simon Boccanegra de Verdi
  • Un ballo in maschera de Verdi
  • I pagliacci de Leoncavallo

 

Beverly Sills

 

  • Thaïs de Massenet

 

Giuseppe di Stefano

 

  • Andrea Chenier de Giordano
  • Tosca (evidentemente  con Callas) de Puccini
  • Madama Butterffly de Puccini (versión con Victoria de los ángeles)
  • Caballería Rusticana de Mascagni (versión sublime con Callas)
  • I pagliacci de Leoncavallo

 

Montserrat Caballé

 

  • Louise de Charpentier (deliciosa aria  Depuis le jour…)
  • Salomé de Strauss
  • Don Carlo de Verdi (preferentemente junto a un luminoso Jaime Aragall)
  • I puritani de Bellini

 

Jaime Aragall 

  • La boheme de Puccini
  • Tosca de Puccini
  • Don Carlo de Verdi

 

José Carreras

 

  • La forza del destino de Verdi
  • I lombardi (Jerusalem) de Verdi
  • Don Carlo de Verdi
  • Tosca de Puccini
  • Andrea Chenier de Giordano (magistral grabación en vivo junto a Cappuccilli y Eva Marton en la Scala di Milano)
  • Manon Lescaut de Puccini
  • Carmen de Bizet
  • Sanson y Dalila de C. Saînt Saens

  

Tito Schipa

 

  • Don pasquale (aunque interpretaba en general a la perfección las obras de Donizetti), Il barbiere di Siviglia de Rossini, L´ Amico Fritz de Mascagni, Cavallería Rusticana del mismo autor (en especial su entrada, terriblemente bellas frases iniciales).

 

Mario del Mónaco

 

  • Otello (gran interpretación y voz para el personaje) de Verdi
  • I pagliacci (anormal expresividad del tenor en este rol) de Leoncavallo
  • Aida de  Verdi (junto a Maria Callas)

 

Giacomo Lauri Volpi

 

  • I puritani de Leoncavallo
  • Caballería rusticana de Mascagni

 

Luciano Pavarotti

 

  • Rigoletto, La traviata, MacBeth, Luisa Miller, Aida, Un ballo in maschera e Il trovatore de Verdi.
  • La hija del regimiento, L´elisir d´amore y Lucia di Lammermoor de Donizetti.
  • Madama Buttefly y La óveme de Puccini
  • Guillermo Tell de Rossini

 

Joan Sutherland

 

  • Los cuentos de Hoffman de Offenbach
  • L´elisi d´amore y Lucia di Lammermoor de Donizetti
  • Otello de Verdi (buen rol de Desdemona)

 

Edita Gruberova

 

  • I puritani de Bellini (excepcional interpretación que tuve la fortuna de ver y escuchar en el Liceo de Barcelona después de su nueva apertura)
  • Ariadna auf Naxos (igual que el comentario anterior)
  • La hija del regimiento de Donizetti

  

 Éstas son algunas. Con el tiempo ya iré ampliando (hay cientos de interpretaciones más, dignas de ser reseñadas) el listado. Además entraré a valorar en concreto algunas obras e interpretes en mis críticas sobre ópera…